Si jusqu’ici Smart était connu essentiellement pour sa mythique micro-citadine, l’enseigne a enrichi sa gamme. Le Pdg de Smart Automobiles France nous en dit plus sur son nouveau SUV et sur la stratégie du constructeur dont la filiale française s’est lancée il y a peu.
Quelques mots sur le contexte actuel, particulièrement morose?
Cyril Bravard: «Il est clair que ce n’est pas le contexte le plus porteur qu’on ait connu! A fortiori quand vous êtes une marque 100% électrique. Si le marché n’est pas flamboyant et qu’en plus les véhicules électriques sont un peu chahutés par une trajectoire pas très claire fixée par les autorités, alors les clients s’y perdent. Ils ne savent plus ce qu’il faut faire, et cela rebat un peu les cartes. Cependant, Smart a la chance d’avoir une actualité produit avec le plus gros modèle jamais fabriquée à date. Cela crée une dynamique positive. C’est une chance, dans ce contexte!»
Les droits de douane imposés par l’UE sur les véhicules chinois vous ont-ils fortement impacté?
Cyril Bravard: «Bien sûr, oui. D’autant que nous ne les avons pas répercutés aux clients sans quoi nous nous mettions totalement hors jeu. Cela nous impacte donc forcément. Très clairement, ce sont des moyens en moins. C’était la mauvaise nouvelle de 2024, après celle de 2023 où nous avons perdu le bonus écologique. Bref, dans cet environnement, il ne faut surtout pas perdre sa ligne.»
Quelle est la vôtre, justement?
Cyril Bravard: «Installer cette marque non plus comme une marque mono-produit, mais comme une marque disposant d’une vraie gamme. C’est mon objectif principal ainsi que celui de notre réseau. On fait tout pour s’y tenir. C’est un enjeu essentiel car, dans l’esprit collectif, Smart c’est surtout un produit: la micro-citadine For Two.»
Smart Automobiles France a été créée il y a peu. Pourquoi ce lancement, et comment cela s’est-il passé?
Cyril Bravard: «Comme vous le savez, la For Two était commercialisée par Mercedes-Benz France. A partir de 2019, lorsqu’il y a eu la volonté de relancer Smart via la joint venture Mercedes-Geely, il a été décidé de créer des entités légales dédiées. Pour ce qui me concerne, je travaille chez Mercedes depuis 1997. Et on m’a proposé en 2021 de relancer Smart en France. J’ai donc créé Smart Automobile France dont j’ai été le premier salarié. J’ai dû créer un réseau de zéro même si je me suis appuyé sur celui existant par le biais des concessionnaires Mercedes à qui j’ai proposé de devenir des agents Smart. Il a aussi fallu recréer les process et le site de vente en ligne. Bref, il y a eu globalement deux ans de travail avant de pouvoir faire homologuer, puis commercialiser notre première voiture, la Smart #1 en mai 2023, puis la Smart #3 en 2024 et la Smart #5 cette année. Sachant qu’aujourd’hui Mercedes se charge de tout ce qui est design et interface utilisateur et que Geely fabrique. Les rôles sont très bien répartis.»
Smart a toujours revendiqué un côté décalé. La #5 va-t-elle suivre le mouvement?
Cyril Bravard: «En réalité, on ne pourra jamais être aussi «décalé» qu’avec la For Two. A partir du moment où vous vous adressez à des segments à volume (B ou C), vous ne pouvez pas vous permettre les mêmes ruptures que ce que l’on a fait avec cette For Two. Avoir marqué l’histoire automobile est notre grande fierté, mais il semble très difficile de refaire la même chose. En revanche, nous essayons de toujours garder l’ADN de Smart. A savoir le côté premium et les innovations techno. Et de surprendre par les designs qui, certes, peuvent parfois être clivants, mais la For Two l’était aussi!»
Pouvez-vous nous parler de ce modèle qui arrive début juin en concessions?
Cyril Bravard: «Comme je le disais, c’est donc la voiture la plus grosse jamais fabriquée par Smart. Il n’est pas prévu de faire plus gros! Il s’agit d’un SUV premium familial, entièrement électrique. J’aime bien dire qu’il se destine aux aventuriers modernes. Le #5 est hyper polyvalent et, en termes de technologies, il est vraiment au goût du jour. Pour ne pas dire qu’il a un temps d’avance.»
C’est-à-dire?
Cyril Bravard: «Je pense que le #5 va aider à démocratiser le véhicule électrique en enlevant le côté anxiogène de la recharge. Il s’appuie sur une plateforme 800V qui permet une charge ultra-rapide avec un 10 à 80% en moins de 18 minutes. Moi qui roule en V.E. depuis l’origine de Smart, je sais combien le plus important n’est pas l’autonomie en tant que telle mais la capacité à recharger vite. Et quand vous êtes capable de reprendre 400 km en 15 minutes, cela change vraiment la donne. Il y a un gros travail à faire de la part des constructeurs, mais aussi des autorités pour aider à démystifier cet aspect-là.
Vous nous présentez Smart comme une marque 100% électrique. Néanmoins, vous proposerez ce #5 en version hybride rechargeable. Faut-il y voir un recul?
Cyril Bravard: «Non, non, cela ne concerne que la Chine. En Europe, nous tenons absolument à garder cette trajectoire 100% électrique. Et Dieu sait si dans ce contexte, ce n’est pas forcément simple! Mais nous nous y tenons. Cette version hybride ne sera pas proposée sur le marché européen.»
La nécessité de disposer de voitures électriques à moins de 20 ou 25 000 € se fait clairement sentir. Est-ce envisageable pour vous?
Cyril Bravard: «Aujourd’hui, on ne s’est pas positionné sur le prix, mais clairement sur le premium. Il n’y a pas d’option sur nos voitures. Par exemple, les #3 sont commercialisés avec un toit panoramique de série. Ce sont des choix qui, de fait, ne nous font pas rentrer dans la catégorie des véhicules pas chers. Mais ces tarifs restent très bien placés au regard des équipements et de la qualité de fabrication. Pour autant, je suis d’accord: il y a un marché pour ces véhicules-là. Mais pour l’instant, ce n’est pas notre créneau. Bien sûr, si -demain- on lance l’#2 (ce qui est mon souhait le plus profond!), cela changera la donne. On travaille sur le sujet, mais aucune décision n’a encore été prise à ce stade.»