Méconnue, cette solution qui consiste à transformer un véhicule thermique en électrique apparaît comme une solide solution pour la décarbonation du parc automobile. Reste à lever quelques freins qui disparaîtront sans peine dès lors que son modèle économique évoluera. Soutenu par les pouvoirs publics, l’artisanal rétrofit n’est autorisé que depuis quatre ans. Et entend bien passer le plus vite possible au cap de l’industrialisation. Explications.
Autorisé en France depuis le printemps 2020, le rétrofit consiste à convertir des véhicules thermiques en des modèles électriques. Il concerne les voitures particulières, les véhicules utilitaires, mais aussi les camions, les autocars, les deux-roues motorisées, et même nos vélos mécaniques qui -par ce procédé- peuvent se transformer en de flambants VAE. Si le secteur n’en est qu’à ses balbutiements, il se développe rapidement. Et constitue désormais l’une des principales solutions pour accélérer la transition écologique, donc la nécessaire décarbonation de notre parc automobile.
Quel est le principe du rétrofit?
Professionnels du secteur et constructeurs travaillent au rétrofit de différents véhicules en proposant des kits de conversion bien différents pour chaque modèle. Tous doivent ensuite être homologués avant de pouvoir être commercialisé. Un processus très coûteux, et une homologation qui se fait souvent longuement attendre. Pionnier du rétrofit et co-président de l’association AiRe qui rassemble les acteurs du secteur, Arnaud Pigounides nous explique: «L’homologation exigée est de type constructeur. C’est-à dire avec des normes très précises, comme chez n’importe quel autre constructeur de n’importe quel autre véhicule. Ce qui est tout à fait normal! Nous avons là, en quelque sorte, des véhicules semi-neufs dans des véhicules anciens. Il faut donc qu’ils soient extrêmement sécurisés, tout en étant duplicables. Cela demande toujours un temps long!»
Une solution parmi les plus économes en terme d’émissions CO2
A la mi-mai 2021, alors que le rétrofit comptait à peine un an d’existence officielle en France, l’ADEME publiait sa toute première étude consacrée au sujet et à son impact environnemental. Un impact qui alimentait encore les débats, à cette époque.
Plus du tout après ce rapport! «Lorsqu’un rétrofit électrique est possible sur un véhicule, cette option présente toujours une baisse supplémentaire des émissions de gaz à effets de serre par rapport au choix de l’achat d’un véhicule électrique neuf.» Concrètement,la conversion des seules citadines (qui représentent le plus gros du parc automobile français avec les berlines) permettrait de réduire de 66% les émissions de CO2 par rapport aux véhicules diésel, et encore de 47% si l’on achète un VE neuf. Et les avantages sont à mesurer aussi sur le plan économique.«L’électrification progressive du parc de véhicules risque d’entraîner une baisse des activités d’entretien et de maintenance des garagistes. En ce sens le rétrofit pourrait permettre à la filière de se renouveler, de se convertir progressivement à la mobilité électrique et de conserver un maximum d’emplois locaux.»
Un coût élevé et une autonomie assez faible, mais…
Une solution idéale, donc? Pas forcément. Question de choix, de goût et de philosophie personnelle, surtout. Car le coût des kits de conversion est aujourd’hui élevé (comptez entre 15 et 20 00 euros en moyenne). De même, leur autonomie est encore (très) faible. Pour prendre des exemples concrets, les kits vendus par R-Fit offrirait 80 à 90 kilomètres d’autonomie, ceux proposés par Tolv assurerait 123 kilomètres (pour le Renault Trafic, soit six à sept fois moins qu’un VE, en moyenne! Néanmoins la solution présente bien d’autres avantages. D’abord, son coût demeure moins cher que l’achat d’un véhicule électrique neuf. Et, surtout, il répond pleinement à notre nostalgie et à l’attachement que certains peuvent entretenir face à leurs vieux bolides. Pas envie de vous défaire de votre DS 21, de votre Méhari ou de votre Combi Volskwagen? Une conversion plus tard, et les voilà repartis pour une nouvelle vie décarbonée!
Les pouvoirs publics souhaitent le développement du secteur
Il n’en fallait pas davantage pour que le gouvernement annonce en 2023 un grand plan d’action pour soutenir le rétrofit. Depuis, les aides ont été maintenues, et sa démocratisation s’est accélérée. Ainsi le rétrofit est entré récemment pour la première fois dans les flottes publiques et dans les solutions proposées pour accélérer leur obligatoire verdissement. Dans les collectivités territoriales aussi on s’est intéressé au sujet. Comme à Dunkerque où la Communauté de communes a commandé des bennes à ordures rétrofités. Une grande satisfaction pour les différents acteurs réunis au sein de l’association AiRe.
Outre R-Fit et Tolv dont on a parlé plus haut, citons les pionniers Rev Mobilities, 2CV Méhari Club Cassis ou encore Noil pour les deux-roues motorisées. Tous saluent la volonté de l’exécutif et l’assouplissement réglementaire annoncé. A la clé, des homologations probablement facilitées, des délais plus courts, donc et des coûts potentiellement revus à la baisse. Parce qu’en favorisant la croissance du rétrofit c’est aussi son industrialisation que l’on espère. L’ambition?
«Atteindre 300 000 véhicules rétrofités par an à partir de 2025, ce qui n’est pas du tout inenvisageable!», nous confiait Arnaud Pigoudines en 2021. Avant d’ajouter: «Renault a décidé de se lancer dans le rétrofit, à Flins. Cela va changer considérablement la donne! Nous ne serons bientôt plus en train de parler de petites sociétés qui cherchent à se développer en mode start-ups, mais nous entrerons dans une véritable industrialisation qui aboutira à la production de centaines de milliers de véhicules. Ils deviendront forcément moins coûteux, et le bénéfice ne sera plus seulement écologique. Economique aussi.»