McKinsey échafaude 3 scénarios possibles sur l’avenir du secteur automobile européen

Par Laurent F.
11 minutes de lecture
Rapport Mc Kinsey sur le secteur automobile européen

Si le secteur automobile européen connaît la crise en même temps qu’il doit faire face aux défis de sa transition vers l’électrique, l’avenir n’est pas forcément si noir. Un récent rapport réalisé par le cabinet de conseils en stratégie McKinsey vient le montrer. Il dresse trois scénarios possibles, du plus catastrophique au plus optimiste. Voici ce qu’il faut en retenir.

L’ancien Premier ministre italien Mario Draghi tirait récemment la sonnette d’alarme dans un rapport rendu à la Présidente du Conseil Européen Christina Von der Leyen. A son tour, le célèbre cabinet américain de conseils en stratégie McKinsey s’est interrogé sur la compétitivité du secteur automobile européen à l’heure de la transition vers l’électrique. Et, plus précisément, sur son avenir. Car si l’Europe a longtemps dominé le monde dans ce secteur, la concurrence asiatique est en train de tout changer. Voire de tout menacer.

Avec un simple constat pour commencer, moins pessimiste qu’on aurait pu le craindre: «Selon les tendances actuelles, la valeur ajoutée de la production européenne pourrait chuter de 400 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. (…) Toutefois, l’Europe et les constructeurs européens pourraient encore profiter pleinement de la disruption des véhicules électriques et même augmenter légèrement la valeur ajoutée brute actuelle de la production, à condition qu’ils poursuivent des stratégies innovantes et participent à la croissance des marchés mondiaux, qu’ils renforcent les collaborations industrielles et mettent en œuvre des politiques efficaces.»

13 millions de VE vendus dans le monde, 60% sont chinois

Pour McKinsey comme pour bien d’autres, la mobilité électrique a franchi un point de bascule. « L’intérêt pour les véhicules électriques a explosé chez les consommateurs européens, les ventes d’une année sur l’autre ayant augmenté en moyenne de plus de 50% entre 2020 et 2023. Ces derniers mois, cependant, les ventes en Europe ont ralenti, parallèlement à la récente baisse des subventions et à l’intérêt croissant des consommateurs pour les VE abordables. Néanmoins, les perspectives à long terme restent solides. Le marché mondial des VE est en croissance, principalement stimulé par les ventes en Chine.» 

A noter: Les ventes mondiales de VE ont dépassé les 13 millions d’unités en 2023, soit une augmentation de 35% par rapport à l’année précédente. Et, parmi elles, plus de 8 millions sont des véhicules chinois (+37%, et 60% des ventes mondiales). 

Trois scénarios pour prévoir le pire comme le meilleur

Partant de cette situation McKinsey a travaillé sur trois scénarios possibles afin de montrer comment les choix du secteur automobile influeront d’une manière ou d’une autre sur son économie, donc sur son avenir. «Si les leaders européens de l’automobile ne parviennent pas à tirer parti des avantages de l’électrification, plus de 400 milliards de dollars de VAB en amont (soit environ 35% du total) pourraient être en danger en Europe. S’ils gèrent bien la transition, l’électromobilité pourrait générer environ 300 milliards de dollars de valeur ajoutée pour l’économie européenne, avec des effets multiplicateurs sur les industries adjacentes.», rappelle le cabinet américain.

Premier scénario: La catastrophe annoncée…

Rapport McKinsey : Usine de production de véhicules chinois

Dans ce premier cas d’étude, McKinsey s’appuie sur une concurrence chinoise qui s’amplifierait encore en terme de compétitivité autant que de rapidité de production. Mais pas seulement…  «La Chine domine les principales chaînes d’approvisionnement en matériaux de batterie dans des régions telles que l’Afrique et l’Indonésie, et représente 90% de la capacité mondiale de production de lithium Bref, dans ce scénario disruptif la part de marché des constructeurs européens sur le marché intérieur pourrait chuter à 45% en 2035 contre environ 60% en 2023, et la part de marché de l’UE tomberait à 7% contre 12%. Conséquence: «l’Europe pourrait produire 20 à 25% de voitures en moins, les exportations diminuant de 40% et les importations augmentant de 1,2 million. La valeur en amont pourrait diminuer de plus de 400 milliards de dollars.» D’où l’obligation d’agir maintenant.

Deuxième scénario: Quand l’Europe maintient son cap et intensifie ses ambitions

«En poursuivant des stratégies telles que l’expansion de l’industrie nationale des batteries, les dirigeants européens pourraient rééquilibrer les pertes futures potentielles. Et préserver la présence des Européens sur les marchés nationaux et mondiaux.», affirme McKinsey. Tout en conditionnant la faisabilité de ce deuxième scénario à quelques conditions essentielles. Que le secteur des batteries européennes poursuive son développement, d’abord. Mais pas aveuglément: «L’expansion de la production de batteries en Europe n’est économiquement viable qu’avec un financement privé et public approprié, y compris dans la R&D, pour passer à de nouvelles technologies et réduire les coûts énergétiques. Mais les efforts devraient également se concentrer sur l’augmentation de la part de la région dans l’approvisionnement et le raffinage des matières premières, tout en tenant compte du futur mix chimique. Cela pourrait contribuer à atténuer le risque d’une forte dépendance

Autre obligation: l’accélération de la production automobile européenne, notamment par le biais de partenariats avec des constructeurs venus d’ailleurs. «L’Europe devra trouver une réponse pour rester attrayante en tant que destination d’investissement.» Enfin, il s’agira aussi de simplifier les différentes réglementations et autres charges administratives en s’appuyant sur le Pacte vert pour l’Europe et «Fit for 55» qui «comprend plusieurs mesures visant à accélérer la transition vers les véhicules électriques et d’autres technologies durables.»

Rapport Mc Kinsey : Production de batteries

Troisième scénario: Un parcours idéal mais pas utopiste

Pour McKinsey, aucun doute: «Il est possible pour les chefs d’entreprise et les dirigeants gouvernementaux européens de répéter leur expertise en matière de moteurs thermiques dans un monde entièrement axé sur les véhicules électriques.» Pour cela, faut-il encore maintenir «la valeur ajoutée brute en amont à 1,1 billion de dollars en 2035 et ramener la part de marché des équipementiers européens à 65%, un niveau jamais vu depuis 2020.» Ce scénario optimum exigerait le maintien des capacités de production européenne et de sa position de puissance exportatrice tout en travaillant à  un meilleur contrôle de l’écosystème, notamment celui de ses batteries, de ses infrastructures de recharge, de la production d’énergie renouvelable et de la circularité. En multipliant là encore les partenariats avec de nouveaux constructeurs entrants, et en rattrapant «les retards en matière de logiciels et d’innovations tout au long de la chaîne de valeur des batteries.» 

Développer d’autres sources de revenus

Pour McKinsey (décidément optimiste), quelque soit le scénario «plusieurs évolutions sont susceptibles de propulser la croissance d’ici 2035.» Parmi les potentielles sources de revenus supplémentaires évoquées dans le rapport, citons le développement de nouveaux services liés aux VE. Comme l’infodivertissement avancé, la conduite autonome ou la maintenance prédictive qui pourraient générer 30 à 70 milliards de dollars supplémentaires. «De plus, pour atteindre ses objectifs de durabilité, l’Europe devrait installer, exploiter et entretenir 410 000 bornes de recharge supplémentaires chaque année jusqu’en 2030, ce qui augmenterait la valeur ajoutée à l’économie européenne de 70 à 100 milliards de dollars.

Enfin, le recyclage des batteries pourrait encore augmenter cette valeur ajoutée de 15 milliards de dollars, tout en permettant aux fabricants de s’approvisionner à partir de matériaux recyclés au cours des vingt prochaines années. Cela ferait du recyclage un moteur fondamental de valeur à long terme, et un potentiel important au-delà de 2035.»Autant de défis (parmi d’autres) qui pourraient -toujours selon McKinsey- contribuer à garantir la prospérité de l’industrie européenne des VE en 2035.

Des mesures d’urgence à adopter

Rapport Mc Kinsey : Usine de batteries

D’ici là, plusieurs mesures particulièrement fortes et ambitieuses pourraient contribuer à sortir de l’impasse. Pour les analystes du cabinet, les constructeurs devraient «envisager d’améliorer la compétitivité des coûts en développant rapidement les sources d’énergie renouvelables et le réseau européen, en mettant en œuvre un plan de transition énergétique pratique, en stimulant la productivité du travail et en s’attaquant aux pénuries de main-d’œuvre qualifiée». Ainsi, «alimenter les transports avec de l’électricité renouvelable produite localement au lieu de l’essence importée représenterait un autre changement de chaîne de valeur.».

A envisager également, l’harmonisation des réglementations afin de réduire la complexité «et les retards dans certains domaines» liés à des réglementations ou à des lois qui ralentissent la compétitivité européenne. Comme le temps moyen d’installation d’un chargeur rapide, par exemple: sept mois à Stockholm, jusqu’à vingt mois à Lisbonne! Autant de mesures qui, selon les analystes, conditionneront la réussite des objectifs du 100% électrique d’ici 2035. Et qui devront, toutes, être apportées de façon synchronisée. «Ce qui signifie que chaque gramme de réduction des émissions de CO2 du parc nécessitera environ 40 000 bornes de recharge ainsi qu’une géo-usine de batteries d’une capacité annuelle d’au moins 10 GWh.» 

Et le cabinet de conclure par un rappel de bon sens: «Le récent ralentissement du marché des VE montre que le changement ne peut pas se faire du jour au lendemain et prendra du temps pendant lequel les technologies de transition joueront un rôle important. Ces technologies, profondément ancrées dans l’ADN de l’industrie automobile européenne, permettent non seulement aux constructeurs automobiles de faire une transition en douceur, mais aussi d’augmenter la valeur ajoutée brute européenne

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